~ Le monde des Jeux Vidéo ~
Le jeu interactif
Le Jeu Vidéo fut dabord individuel, le joueur se retrouvant face à sa machine. Lisolement du passionné de micro-informatique, programmeur ou joueur, avait pendant quelque temps associé cette activité à un retrait ostensible vis à vis de la communauté familiale. Il nen est rien, sauf exception, depuis longtemps. La plupart des consoles permettent en effet de jouer à plusieurs, ce qui a fait du Jeu Vidéo une activité favorisant la sociabilité. Les joueurs se réunissent fréquemment devant un écran, sencouragent et partagent leur connaissance (Trucs et astuces, code daccès).
Câble et modem relient fréquemment les machines,
et dune certaine manière les joueurs. Lordinateur et la console nen
demeurent
pas moins des machines individuelles.
Le jeu collectif suppose la réunion de joueurs au
sein dune même entité technique. Il ne sagit plus de relier quelques unités
de jeu éparses, ordinateurs ou consoles, mais dinvestir en groupe un espace
ludique, unique, totalement dévoué au jeux. Précisons à ce sujet que la salle de jeu
traditionnelle, où cohabitent machines à sous, flippers et bornes darcade, ne
saurait être considérée comme un lieu collectif, les machines nétant
généralement pas reliées entre elles,
les joueurs se croisant sans véritablement se rencontrer.
Le jeu collectif sappuie en effet, non sur une accumulation de machines en un même lieu, mais sur une mise en réseau qui donne accès à un univers virtuel partagé. Il exige une lourde infrastructure, ce qui explique la rareté des expériences.
Crée par la société Virtual World
Entertainement à Chicago, Battletech Center est équipé dun réseau de 16
cockpits. Les joueurs sy installent pour une demi-heure et 10 minutes leur sont
accordées pour se familiariser avec la centaine de cadrans, de témoins et de boutons
disposés sur le tableau de bord. Transportés en lan 3052, les 16 battlements
vivront dans ce simulateur spatial un jeu de rôle et daction inspiré par Alien, le
film de science-fiction de Ridley Scott. Les débutants se contenteront de se battre entre
eux, mais les battlements les plus aguerris formeront des équipes qui patrouilleront
dans de dangereuses cités virtuelles.
A Yokohama, au Japon, la société Namco (NAkamura Manufacturing COmpagny), qui édite des jeux darcade, a crée une impressionnante attraction virtuelle : 16 personnes sont réunies dans une vaste salle de 8 m de diamètre entourée décrans jointifs. Un système optique ajoute un saisissant effet de profondeur. Pas moins de 92 microprocesseurs 16 Bits orchestrés par un processeur central de 32 bits sont nécessaires pour gérer cette grandiose simulation. Emporté dans lespace, poursuivi par des hordes dextraterrestres que le relief rend terriblement présents, chaque passager défend le vaisseau en tirant sans relâche.
On ne saurait exclure du jeu collectif les ordinateurs personnels reliés à un serveur central qui orchestre des jeux réunissant un grand nombre de participants. Certes, le joueur se retrouve seul face à un écran, mais il se créé néanmoins une communauté desprit très forte qui saffranchit aisément des distances séparant les participants. Ce nest plus la promiscuité qui soude le groupe, mais la simultanéité.
Dans le domaine de la simulation de vol sur micro-ordinateurs, jusquà 60 pilotes de chasse peuvent être réunis, installés chacun devant leur micro-ordinateur personnel. Le serveur nenvoie en effet quun nombre réduit de données qui décrivent le positionnement, la position et létat de chacun des avions participant au jeu. Les tableaux de bord et les paysages sont gérés par les ordinateurs des joueurs connectés. Le jeu reproduit avec une grande fidélité les graphismes et les caractéristiques de vol dune vingtaine davions.
Reliés par modem, les participants choisissent les pilotes, mitrailleurs et bombardiers de leur formation puis ils saffrontent dans les cieux virtuels. Une messagerie permet de ne converser quavec les pilotes de la formation ou de lancer des messages à lattention de tous les connectés. Grâce à une liaison par satellite offerte par General Electric, des batailles aériennes intercontinentales impliquant plusieurs dizaines de pilotes eurent lieu deux fois en 1992 entre les États-Unis et lAngleterre.
Le réseau Habitat est jusquà ce jour lune des expériences les plus originales et les plus abouties en matière de jeu collectif géré par un réseau informatique. Crée en 1985 par Lucas Film Games (lancien nom de LucasArts Games) et Quantum Computer Services puis cédé à Fujitsu, Habitat avait réuni jusquà 15000 joueurs. Chacun était représenté sur lécran de son micro-ordinateur un C64 de Commodore par un petit personnage nommé Avatar qui se déplaçait dans une région. LAvatar pouvait entrer en contact avec dautres Avatars auxquels il adressait un message, ou bien effectuer des transactions commerciales moyennant des jetons prélevés sur un " compte Habitat ". Les Avatars pouvaient se rencontrer, sentendre avec des habitants dautres régions. " Lune des leçons de lexpérience, souligne Philippe Quéau (Directeur de recherches à linstitut national de laudiovisuel, responsable du programme Imagina) dans son ouvrage Le Virtuel, a été prise de conscience de limportance de la notion despaces de collaboration. Ces espaces symboliques collectifs se constituaient continuellement à laide de divers objets que les Avatars se procuraient ou séchangeaient en vue dune finalité commune, par exemple percer le mystère entourant certaines régions dHabitat particulièrement difficiles à pénétrer. Habitat, malgré une technique de représentation peu réaliste, a permis en revanche de soutenir pendant plusieurs années lintérêt des participants, en recherchant la complexité des interactions, la richesse conviviale plutôt que la performance graphique ".
Aucune expérience comparable na eu lieu en France, en dépit des 5 millions de Minitels en service. Contre toute attente, le Minitel na jamais eu un vecteur crédible auprès du Jeu Vidéo. Il est en effet pénalisé par la lenteur des transmissions, 1200 bauds seulement en réception contre 75 en émission. La pauvreté graphique de lécran et un parc de terminaux majoritairement monochrome nautorisent guère que des jeux dune extrême simplicité. Les Pacman, les serpents dont il ne faut pas recouper la trace et les petits jeux de société rappellent les jeux des premiers ordinateurs. Des serveurs proposent néanmoins des jeux déchecs, ainsi que des jeux daventure ou de rôle en mode texte. Pour que le ludique graphique puisse utiliser un réseau télématique, il faudra attendre la mise à la disposition du public des liaisons de type RNIS (Réseau Numérique à Intégration de Services), ou lavènement du RNIS à large bande permettant de transférer de très grandes quantités de données, de lordre de 100 à 200 mégabits par seconde.
Lune des rares expériences de télématique ludique réussie eut lieu au milieu des années 80 en Grande-Bretagne. Starnet, un Space Opera tumultueux et fertile en rebondissements, était géré par le serveur Micronet. Starnet a compté jusquà 450 connectés au même instant.
Lorganisation de Starnet nest pas sans
rappeler Habitat avec sa division en 343 secteurs abritant chacun sept étoiles. Chaque
astre, dans chaque secteur, est spécialisé : sur lun on fabrique des
astronefs, dautres sont des paradis fiscaux où les sommes déposées se multiplient
rapidement
Chaque joueur est un Star Captain qui na quun seul but dans
lexistence : contrôler un maximum détoiles. Pour cela, il lui faut
réunir une armada céleste. Les combats nont rien de commun avec ceux des jeux
daction. Starnet est un jeu de stratégie extrêmement cérébral, où le joueur
doit annoncer avant dengager le combat le taux des pertes quil est disposé à
assumer, où le seul fait de se poser sur telle ou telle étoile double automatiquement la
flotte, où lattaque dun secteur voisin divise parfois la puissance de feu de
lagresseur par quatre. Les joueurs communiquent entre eux, forment des coalitions de
plusieurs dizaines de Star Captain
qui se lancent à lassaut des secteurs rebelles.
Micronet proposait un autre jeu entièrement en mode texte, crée en 1980 par un étudiant de lUniversité dEssex : MUD (Multi-Users Dungeons, cachots à utilisateurs multiples) qui fut repris dans plusieurs pays.
La création de jeux en réseau, qui réunit des joueurs à léchelle internationale, plaque sur la géographie réelle un monde parallèle dont les portes sont des terminaux informatiques. " Le virtuel formera une société simulée, dun ordre de complexité presque équivalent à celui des sociétés réelles, du moins superficiellement ", présage Philippe Quéau.
La télévision interactive
Le temps accordé au Jeu Vidéo est principalement prélevé sur le temps passé devant le poste de télévision. Lorsque que les consoles japonaises de la seconde génération arrivèrent aux États-Unis, le taux découte des émissions télévisées destinées aux jeunes chuta brusquement de 30%. Linteractivité du Jeu Vidéo lavait emporté sur la passivité du spectateur.
La télévision prend aussitôt conscience de
lattrait de linteractivité. Elle réalise Captain Poxer, le premier
feuilleton interactif qui fut diffusé en 1988 sur la cinquième chaîne française.
Armés dun pistolet en forme de vaisseau spatial, l" énergiseur ",
les spectateurs suivent attentivement les aventures de leur héros dans un monde ravagé
par des robots, les Biotrons. Dès que lun deux apparaît, ils tirent sur
lécran. Chaque fois quun Biotron est touché, larme du tireur marque
des points. Si la riposte est trop lente ou que le Biotron a été manqué,
lénergiseur est décrémenté. Arrivé à zéro point, un signal sonore retentit,
suivi de léjection
du Captain Power en matière plastique. Game Over.
Lénergiseur du Captain Power ne rencontra,
aux États-Unis autant quen France que fort peu de succès. Le prix du pistolet,
vendu plus de 500 F, y fut pour probablement pour beaucoup. Mais surtout,
linteractivité du feuilleton était trop superficiel. Larme comptabilisait
les tirs, mais le scénario se déroulait par dévers le joueur, ignorant les impacts
pourtant validés. Le feuilleton suivait imperturbablement son cours, insensible aux tirs
des spectateurs. La véritable interaction eut supposé une action réelle sur
lintrigue, techniquement impossible en raison de labsence de communications
bidirectionnelles entre chacun
des 21 millions de téléviseurs et la régie de la chaîne télévisée.
Une nouvelle approche de la télévision
interactive ludique fut tentée en 1993 avec Hugo Délire. Le jeu est simpliste : un
wagonnet qui fonce sur une voie ferrée doit être manuvré afin de ne pas entrer en
collision avec des locomotives. Ou alors, le joueur doit éviter, dans la vieille mine,
dêtre bloqué dans un cul-de-sac. Dans un autre scénario, le personnage saute, se
baisse, ou bien se penche de coté. Le wagonnet et le personnage sont déplacés à
laide des touches du cadran téléphonique. Le but du jeu consiste à terminer le
parcours dans le meilleur temps. Contrairement à Captain power, lunique joueur a la
satisfaction
de voir ses actions modifier réellement le cours du jeu.
Sur le même principe que Hugo Délire, Infogrames
Multimédia avait organisé en 1993 sur France 3, en coproduction avec Pathé et Philips,
une émission de jeu interactive avec International Tennis Open, un jeu sur CD-I. Pendant
les tournois de Roland-Garros, les concurrents pouvaient
par téléphone avec des champions célèbres.
A noter aussi la curieuse initiative de Pix qui propose des jeux téléphoniques. Ecouteur à loreille, le joueur appuie, suivant des commentaires et des injonctions, sur une douzaine de touches de clavier. Il participe ainsi à un match de football ou se bat contre des hommes préhistoriques ou des extraterrestres quil ne verra jamais. Les touches permettent de shooter, de dribbler, de sauter, dassener des coups, de se baisser, desquiver une attaque, etc.
La télévision interactive ne verra le jour quavec linstallation dun réseau de fibres optiques permettant de faire transiter dénormes quantités de données. Les spectateurs de la chaîne câblée ACTV aux États-Unis, ceux de Vidéotron au Canada bénéficient déjà dune interactivité minimale. Ils ont en effet le privilège, lors de la retransmission dune rencontre sportive ou dun concert, de sélectionner lune des six caméras proposées, avec la possibilité de modifier le cadrage grâce à une fonction de zoom très intéressante.